Du thermique à l'électrique, sans douleur…

Vous voudriez bien, mais vous n'osez pas? Et puis vous n'y connaissez rien? Et en plus ça va être cher? Ce n'est pas la seule, mais voici ma méthode pour une conversion à l'électrique 'en douceur'… Elle est applicable à tout modèle 'classique' et de taille raisonnable. L'exemple est basé sur le Super Sportster, un avion de sport de classe '40' tout ce qu'il y a de plus standard.

Texte & photos: Laurent Schmitz

L'avion: pas de plomb dans le derrière…
Aujourd'hui, n'importe quel avion thermique peut être motorisé en électrique. Cependant, la conversion est plus simple si le modèle présente les caractéristiques suivantes:
1. une trappe pour avoir accès au réservoir (à l'accu), ou la possibilité d'en découper une;
2. un nez pas trop court, car l'électrique est plus léger (si, si!), ce qui gène le centrage;
3. un empennage léger, pour les mêmes raisons que le point 2;
4. une entrée d'air suffisante à l'avant et la possibilité d'ouvrir une sortie d'air à l'arrière;
5. une garde au sol suffisante car les moteurs électriques tournent des hélices un peu plus grandes que les thermiques.

Un kit sera un poil plus facile à convertir qu'un ARF, qui demandera un peu de 'charcutage'.
J'ai choisi pour vous le Super Sportster 40, qui existe en ARF ou en kit.
La conversion majeure concerne le bâti-moteur qui est spécifique pour les moteurs électriques. Même si certains fabricants proposent des kits de fixation par l'arrière, il vaut mieux fixer le moteur par l'avant: il sera mieux maintenu et vibrera moins car le porte-à-faux sera réduit. Comme le couple des moteurs électriques est plus élevé, tout comme la masse en mouvement, il est bon d'ajouter 1 degré d'anticouple et de piqueur aux réglages d'origine.
L'accu prendra la place du réservoir et sera maintenu sur une platine par des anneaux de velcro (pas de mousse, il faut une bonne ventilation). La cloison pare-feu sera découpée au centre afin de laisser passer l'air de refroidissement. Il faudra pratiquer à l'arrière une ouverture d'évacuation de l'air chaud au moins 1,5x plus grande que l'entrée. Sinon, l'air 'stagnera' dans le fuselage.

Le moteur: achetez-le au poids!
Trois critères sont à prendre en compte lors du choix du moteur: la puissance, le couple et le poids…

La puissance doit être suffisante pour voler correctement. Un trainer a besoin de 100 à 150 watts par kilo d'avion pour voler correctement. Un avion de sport ou un warbird exigera 150 à 200 watts par kilo. Pour un multi F3A ou '3D', comptez 300 watts et plus. Les jets sont à l'extrême, avec les racers où on dépasse allègrement les 500 watts par kilo, mais ce n'est pas le but de cet article…
Notre Super Sportster pèse 3Kg en vol, il nous faudra donc ±500 watts de puissance.

Le couple dépend du nombre de tours par volt. Un même moteur électrique est généralement décliné en différentes versions, selon son bobinage. Ce qu'il faut regarder ici c'est le nombre de tours par volt ('KV' ou 'rpm/v' ou encore 'tm/v'). Celui-ci peut aller de 600 à 3.000 pour un même moteur. Il faut chercher une solution qui s'approche le plus possible de son équivalent en thermique. Un 6,5cc moderne tourne une hélice 10x6 aux alentours de 13.000t/m. Avec un accu de ±13volts, il faudra donc un moteur électrique donnant environ 1000 tours par volts pour obtenir l'équivalent.
On pourrait aussi décider d'utiliser un accu de seulement 9 volts. Il faudrait alors un KV de 1400 (13.000 / 9). Vous comprendrez plus loin pourquoi je ne retiens pas cette solution.
Le poids du moteur est important car il faut tout de même une certaine quantité de matière pour encaisser la puissance. L'équivalent d'un 3,5cc en électrique pèse ± 150gr. Pour un remplaçant de 6,5cc il faut ±200gr et pour un 10cc, on arrive à 250gr de moteur électrique. Notre Super Sportster recevra donc un moteur de ±200gr.

Récapitulons: il nous faut un moteur de ±200gr avec un KV entre 800 et 1200 et capable de délivrer 500 watts… On se fait plaisir avec un haut de gamme: le Cyclon 40 d'Electronic Model. Ce moteur pèse 175gr, délivre 450 watts en continu (600 watts en pointe) et son KV est de 1000 tours/minute par volt. Tout autre moteur de caractéristiques similaires conviendrait bien entendu.
Notez que seuls les moteurs brushless à cage tournante ('outrunner' en anglais) sont ici pris en compte. Il existe des alternatives sous la forme de moteurs 'réductés' avec ou sans balais, mais leur mise en œuvre est plus complexe et leur prix souvent plus élevé.

L'accu: 15 minutes de bonheur!
Pour avoir l'équivalent d'un 6,5cc il faut que notre moteur tourne à ±13.000 tours/minute à fond. Puisque le Cyclon a un KV de 1000, il lui faudra un accu de 13V pour 'prendre ses tours'. Et comme on a dit qu'il fallait une puissance de 500 watts pour voler, nous pouvons facilement calculer le courant nécessaire. Les watts, c'est des ampères multipliés par des volts. On a 13 volts pour 500 watts, il faut donc 38,5 Ampères de courant pour y arriver (500 / 13 = 38). C'est parfait car notre Cyclon 40 peut encaisser jusqu'à 40A en continu. Notez que si on avait opté pour un accu de seulement 9 volts, il aurait fallu 55 ampères pour obtenir la puissance nécessaire. Notre moteur aurait rapidement grillé…
On a les volts, la puissance et les ampères, reste à déterminer la durée du vol. L'autonomie dépend de la capacité de l'accu. Quand on vole à 'plein watts', on consomme 38,5A. Donc pour voler une heure à fond il faudrait un accu de 38.500mah (glup!). Heureusement, on ne vole pas une heure et on ne vole pas non plus à fond tout le temps. Dans la pratique on constate que pour voler 15 minutes 'normalement' il suffit de diviser la consommation 'à fond' par dix. Dans notre cas, ça ferait +/-3.850mah. Puisque la technologie LiPo s'impose de plus en plus, on se fait plaisir avec un pack LiPo Polyquest 3.700mah 'Super Haute Décharge' en 14,8volts (4 élements de 3,7v).
Ah mais, 14,8 volts c'est trop! On avait dit 13 volts?
Il y a une subtilité… Le voltage 'officiel' des accus est de 3,7 volts pour un élément LiPo et 1,2 volts pour un NiMh ou un Nicd. Ces valeurs sont un minimum en dessous duquel on considère que l'accu est déchargé. Dans la réalité, un élément plein donne 4,2 volts en LiPo et 1,45 volts en NiMh ou Nicd. Seulement voilà: dès que le moteur tourne et que l'accu est sollicité, la tension chute à ±3,3 volts en LiPo et 1,1 volt pour les autres. Un accu 4 éléments LiPo donne donc bien 13 volts en l'air. En NiMh il faudrait 12 éléments pour avoir 13 volts.

Contrôleur: trois fils magiques…
Là, c'est facile! Puisque le moteur absorbe 38,5A à 'pleins watts' sous 13 volts on achète un contrôleur un cran au-dessus. L'idéal c'est un modèle qui passe 40A continus sous 16 éléments traditionnels ou 5 LiPos. On soude les trois gros fils qui sortent du contrôleur aux trois fils du moteur. Les gros fils rouge et noir iront à l'accu. Notez que les moteurs brushless ne tournent pas si on connecte l'accu directement dessus, sans contrôleur: ils se contentent de griller.
Si jamais le moteur tourne à l'envers, il suffit d'intervertir deux des trois fils qui vont au moteur. Ne jamais inverser les fils qui vont à l'accu! Si vous avez déjà soudé les fils et refermé le capot, vérifiez le mode d'emploi: on peut souvent changer le sens de rotation en programmant le contrôleur.
La majorité des contrôleurs ont un mode 'LiPo' supposé couper le courant avant que l'accu soit trop déchargé. Ne vous y fiez pas et posez-vous avec une bonne réserve dans l'accu.
Très important: Les contrôleurs sont munis d'un circuit 'BEC' pour alimenter le récepteur sans batterie de réception. C'est acceptable sur un park flyer, mais pas sur un 'vrai' modèle dont les servos consomment beaucoup trop! Si le contrôleur est muni de deux cordons pour aller au récepteur, celui du BEC qui ne compte que deux fils (rouge/brun ou rouge/noir) ne doit pas être connecté. Si vous n'avez qu'un seul cordon, il est impératif de retirer ou de couper le fil rouge! Sans quoi quand vous allez connecter la batterie de réception, celle-ci se déchargera dans le contrôleur et grillera le circuit BEC! Lisez bien le mode d'emploi à ce sujet. Demandez aussi au vendeur si le contrôleur est compatible avec votre moteur. Les modèles d'ancienne génération étaient parfois capricieux…

Chargeur: moins cher, c'est plus coûteux!
Pour mener à bien notre projet, il nous faut un chargeur moderne, programmable et à écran LCD. Il devra bien sûr avoir un mode LiPo et sera capable de recharger plus de 4 éléments LiPo ou 12 NiMh à 5 ampères. Bonne nouvelle, de nos jours on trouve ce type de chargeur pour moins de 90 euros. Largement moins cher qu'une caisse de terrain...
Notez que les chargeurs meilleurs marchés ne possèdent pas les sécurités nécessaires et ne permettent pas de surveiller le bon déroulement de la charge. Ils sont vite limités et vous aurez rapidement besoin d'un modèle plus 'sérieux'. Ce n'est donc pas une bonne idée d'économiser sur ce poste.

Hélice: à essayer absolument!
Bonne nouvelle! Les moteurs à cage tournante on un bien meilleur rendement que les moteurs thermiques. Notre Cyclon de seulement 500 watts est l'équivalent d'un 6,5cc qui est vendu pour presque 1CV, soit 750 watts.
Dans la pratique, on s'aperçoit que les moteurs à cage tournante sont plus performants avec une hélice un poil plus grande et à un régime inférieur. Même si les données du constructeur confirment nos prédictions il faudra trouver quelqu'un qui possède une pince ampèremétrique pour vérifier que l'hélice choisie ne surcharge pas trop le moteur et l'accu. Si vous ne connaissez personne, votre commerçant favori pourra vous aider. Dans le pire des cas, il faut sentir 'à la main' que ni le moteur, ni l'accu, ni le contrôleur ne chauffent trop. Une bonne ventilation est nécessaire.
Commencez les essais avec l'hélice la plus petite: une APC 10x6 par exemple. Si la consommation n'est pas trop élevée, une 11x6 donnera de meilleurs résultats. Il ne faut pas absolument une hélice spéciale 'électrique'. Par contre, les hélices 'Slow Prop' ne conviennent pas car nos moteurs tournent trop vite.

Connecteurs: haut débit garanti…
On les oublie souvent, mais les connecteurs et les câbles jouent un rôle primordial. Ils doivent pourvoir passer près de 40A de l'accu au moteur: c'est le courant de 8 fours à micro-ondes ou de 25 ordinateurs…
Pour notre projet, les câbles doivent avoir une section de 2,5 mm carrés. Les connecteur seront du type '4mm' en argent ou dorés. Les connecteurs en argent de marque Kontronic sont mes favoris. Ils passent jusqu'à 100A! En plus ils coûtent moins cher que les dorés et sont très légers. L'accu et le contrôleur seront munis de détrompeurs afin de ne rien pouvoir connecter à l'envers (fiches mâle et femelle sur des pôles différents). Sparadraps, toile isolante et autres 'sucres' seront bannis à jamais sous peine de désastre!

Bilan: pas si cher et pas si lourd!

Super Sportster 40 thermique:
Cellule finie sans propulsion: 2.100gr 200€
OS 40FX & silencieux: 350gr 120€
Servo de gaz, tringles, réservoir: 150gr 40€
Carburant: 300gr 300 vols = 75 litres: 250€
Bougies n/a 300 vols = 5 bougies: 25€
Total: 2.900gr 635€

Super Sportster 40 électrique:
Cellule finie sans propulsion: 2.100gr 200€
Moteur: 175gr 95€
Contrôleur: 60gr 60€
Accu: 400gr 176€
Chargeur: n/a 89€
Total: 2.735gr 620€

Notez que je n'ai pas compté l'ampèremètre à 80€, mais pas non plus le chauffe-bougie, le démarreur, le 'power panel', la pompe à carburant et la caisse de terrain…

En vol: est-ce qu'il tourne encore???
Dès que vous connectez l'accu, n'oubliez pas que le moteur peut se mettre en route à tout moment, par un coup de coude sur le manche par exemple. Soyez donc très prudents! Faites un sérieux test de portée, antenne rentrée, avec le moteur à 1/3 des watts. La portée devrait dépasser 50 mètres.
Le décollage vous surprendra. Le moteur prend ses tours instantanément, il est donc recommandé d'y aller de façon progressive. Avec le couple important, l'avion peut décoller tout seul à mi-gaz. Le même couple entraîne aussi l'avion à gauche, plus qu'avec un moteur thermique. Il faut donc doser un peu plus de pied à droite. Comme la commande des watts est très progressive, ce n'est pas un problème et les longs décollages réalistes sont un régal.
En vol, tous les débutants en vol électrique ont le même réflexe: plein gaz (watts???) tout le temps! Comme le moteur ne fait pas de bruit, on a l'impression que l'avion n'a pas de puissance et on n'ose pas réduire les watts. Dès qu'on passe au 'ralenti', c'est la panique: il a calé! En réalité il n'en est rien et votre avion vole à la même vitesse que les autres. Simplement, il faut apprendre à voler 'à la position du manche' et plus au bruit. Il faut vraiment se forcer à diminuer le régime. Votre avion vole pourtant sans problèmes manche au milieu.
Vous serez agréablement surpris du comportement à basse vitesse. Le poids réduit et le couple important du moteur rendent l'appareil très tolérant. Par contre, les avions électriques freinent très fort si vous coupez complètement les watts. C'est dû à la grande hélice qui fait aérofrein. Cela permet des approches plus raides qu'en thermique et des loopings de rêve, mais gare au déclenché en finale sur les zincs 'pointus'! Pour éviter cela, vous pouvez toujours sélectionner le mode 'frein' sur le contrôleur, mais ce n'est pas très réaliste de voir l'hélice s'arrêter en vol. En plus, l'avion devient difficile à poser car il allonge à n'en plus finir. Il ne ralentit pas non plus en fin de looping... Il vaut mieux laisser tourner l'hélice et garder un poil de puissance en finale.
Pour vos premiers vols, demandez gentiment à vos copains thermiques de ne pas voler (pour le bruit) et posez-vous après seulement cinq minutes. C'est assez pour trimmer l'avion et faire quelques approches. Laissez refroidir l'accu un quart d'heure et rechargez-le. Notez combien d'électrons vous remettez dedans. Allongez progressivement les vols, mais ne videz jamais plus des 2/3 de l'accu. Après une dizaine de vols, vous constaterez que votre autonomie augmente fortement: vous maîtrisez mieux le manche des watts! Désormais, vous devriez voler 10 à 15 minutes en enchaînant les passages et la voltige, tout en conservant une réserve suffisante afin de ne pas trop décharger l'accu.
Maintenant que vous avez l'avion bien en mains, ne vous étonnez pas si vous pestez contre vos bruyants camarades. Vous pouvez toujours vous venger en faisant trois tours de terrain en rase-mottes sur le dos... sans risque de voir le moteur caler!

Alternez les plaisirs!
Les accus LiPo sont encore chers, même si les prix diminuent sans arrêt. Après un vol d'une dizaine de minutes, il faut compter presque 1hr de recharge. Pendant ce temps, les thermiques vont vous narguer. La solution est bien sûr un second accu, mais il existe des trucs pour voler plus souvent...
1. chargez avant d'aller au terrain. Le temps de sortir l'avion du coffre, vous pourrez décoller!
2. posez-vous quand l'accu est à 50%. Le vol sera plus court, mais la recharge ne prendra qu'une demi-heure. En plus, c'est meilleur pour l'accu.
3. arrêtez la charge quand le chargeur indique 1/10e de la capacité de l'accu (300mah par exemple). L'accu est plein à plus de 95%, c'est bien suffisant. Remplir les 5% restants prendrait encore une demi-heure, pour seulement quelques secondes de vol en plus.
4. au lieu d'acheter un second accu, offrez-vous un second modèle complet: un motoplaneur bon marché par exemple. De cette façon vous volerez non-stop en alternant les plaisirs, pendant que vos copains pestent contre leur contre-pointeau et leurs doigts gelés par le méthanol...